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Référendum constitutionnel en Tunisie : Une menace pour la démocratie

Publié le 11-08-2022
Temps de lecture 3 minutes
  • Actualités

Thijs Berman, directeur exécutif du NIMD, explore les racines du déclin démocratique de la Tunisie et la manière dont les partis politiques peuvent œuvrer à la sauvegarde de la démocratie.

Le 25 juillet, la Tunisie a organisé un référendum constitutionnel qui a donné au président des pouvoirs étendus tout en limitant largement le rôle du parlement.

L'opposition a boycotté le référendum et près de 70% des électeurs tunisiens sont restés chez eux. Bien que le faible taux de participation mette sérieusement en doute le soutien populaire à cette nouvelle Constitution, le président Kaïs Saïed est déterminé à aller de l'avant, affirmant que "la Tunisie est désormais entrée dans une nouvelle phase".

Des contrôles et des équilibres limités

Cette nouvelle phase représente une grande menace pour la démocratie. Elle ramène en effet la Tunisie à la situation qui prévalait avant le printemps arabe de 2011.

Les libertés civiles ne bénéficient plus des garanties qui avaient été fermement ancrées dans la Constitution de 2014. L'indépendance du pouvoir judiciaire a été affaiblie.

Et la Tunisie aura, dans un avenir prévisible, un président doté de pouvoirs incontrôlés qui dépassent de loin ce qui serait acceptable dans une démocratie saine. Le président peut nommer et révoquer le chef du gouvernement comme bon lui semble. Il peut rédiger des lois qui seront adoptées en "priorité" par le parlement. Il peut même modifier directement la Constitution.

Le pays est revenu à un système présidentiel complet, mais avec des contrôles et des contrepoids très limités.

Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ?

La Tunisie offre une sombre leçon à tous les démocrates du monde entier. Le déclin démocratique du pays suggère qu'il ne suffit pas de garantir les droits politiques dans un système démocratique avec un parlement fort, comme la Tunisie l'a fait depuis 2014. Il ne suffit pas non plus d'introduire des contrôles et des équilibres sur les institutions, qui étaient absents dans le pays jusqu'à cette date. La population tunisienne attendait plus que ces droits formels, inscrits dans la Constitution.

La leçon de la Tunisie se répète de l'Afghanistan au Salvador, du Mali au Burkina Faso : La démocratie devient un mot vide de sens lorsqu'elle permet à chaque adulte de voter, mais qu'elle ne sert que les intérêts d'une poignée de privilégiés. Lorsque les aspects formels de la démocratie sont en place mais que la sécurité, un besoin fondamental pour chacun d'entre nous, existe à peine en dehors des murs du palais présidentiel. Lorsque les hommes politiques prétendent solennellement défendre les valeurs et les droits universels, mais oublient qu'ils sont les représentants du peuple. De tout le peuple. C'est alors que la population commence à perdre confiance dans le système.

L'importance des jeunes

En Tunisie, la décennie démocratique qui a suivi le Printemps arabe n'a pas apporté la prospérité que les gens attendaient. Aujourd'hui encore, le taux de chômage des jeunes en Tunisie est élevé, près de 40%.

Les jeunes ont peut-être déclenché le printemps arabe, mais aujourd'hui, dix ans plus tard, certains d'entre eux applaudissent la main ferme du président Saïed. Beaucoup rejettent les autres dirigeants politiques qui, selon eux, ont passé leur temps à se quereller au Parlement sans obtenir de résultats. D'autres se sont tout simplement détournés de la politique. Seuls 1% des jeunes ont voté lors de ce référendum.

Mais, au milieu de toutes ces désillusions, il y a aussi de l'espoir. Dans le cadre de notre travail en Tunisie, nous avons eu l'occasion de constater de visu l'ambition et le dévouement de nombreux jeunes Tunisiens.

Au cours des dix dernières années, le NIMD a formé des centaines de jeunes politiciens dans le pays, en collaboration avec nos partenaires, l'Institut national de la démocratie et des droits de l'homme et l'Institut national de la démocratie et des droits de l'homme. Centre d'études méditerranéennes et internationales (CEMI) et Démonstration Finlande. C'est l'enthousiasme des jeunes et leurs valeurs de liberté et de démocratie qui nous ont incités à lancer le programme en 2011.

Avec la crise politique qui a frappé le pays, le programme a changé d'orientation, laissant plus de place aux discussions sur les valeurs démocratiques et l'importance d'un dialogue respectueux. Les élèves ont vraiment trouvé un écho à ce sujet. Ils ont pu exprimer leurs préoccupations, tout en découvrant la valeur de l'écoute et de l'adoption d'une approche inclusive. Aujourd'hui, ils sont des citoyens et des politiciens critiques qui ont des points de vue différents, mais qui défendent tous les valeurs démocratiques et croient en la collaboration à travers le spectre politique.

Regarder vers l'avenir

La démocratie n'est pas morte en Tunisie le mois dernier. Mais les partis démocratiques du pays sont confrontés à l'énorme défi de regagner la confiance du public. Ils devront commencer à écouter les jeunes et à s'engager avec eux. La voix des jeunes Tunisiens est importante. S'ils soutiennent et défendent les valeurs démocratiques, la Tunisie a une chance de rester sur la voie de la démocratie.

La démocratie est une question d'engagement et de dialogue. Tout le monde comprend que la vraie démocratie prend du temps - le paradis ne commencera pas au lendemain des élections - mais les gens veulent être sûrs que leurs politiciens travaillent avec eux et pour eux. La première tâche des partis démocratiques en Tunisie est donc d'écouter leurs (jeunes) électeurs. Leur deuxième tâche est de travailler avec eux et de résoudre ensemble des problèmes concrets. C'est ainsi que la démocratie se développe.