Une crise de la démocratie ou son évolution ?

Il ne s'agit pas d'une crise de la démocratie. Il s'agit plutôt de la façon dont la démocratie devient réelle. La présentation du livre de Thomas Carothers, organisée par le NIMD et l'université de Leiden, a fait passer le message qu'il y a du travail à faire. Violet Benneker, conseillère en connaissances au NIMD et modératrice de l'événement "Democracies Divided with Thomas Carothers" partage ses conclusions de la discussion.
Un livre sur la polarisation politique dans nos démocraties ne peut pas être une bonne nouvelle, et ce n'est certainement pas le cas. Thomas Carothers, autorité en matière de soutien international à la démocratie et éditeur de l'ouvrage "Democracies Divided", l'a dit sans détour à l'auditoire : les gens sont en colère et exigent quelque chose de mieux. Les différences économiques, religieuses et culturelles sont utilisées par les dirigeants politiques pour diviser les sociétés, et la polarisation déchire les coutures de nos systèmes démocratiques. Par conséquent, la température de la démocratie monte dans le monde entier.
La démocratie est-elle en grande difficulté ?
Les panélistes présents à l'événement ont approuvé son message brutal. Le professeur Ingrid van Biezen (Université de Leiden) a présenté les chiffres : nous voyons plus de pays où la qualité de la démocratie est en déclin que de pays où la démocratie s'améliore. Caroline Gaita, directrice exécutive de Mzalendo (organisation de surveillance parlementaire et partenaire du NIMD au Kenya), a brossé le tableau : dans la démocratie kenyane vieille de 55 ans, la méfiance à l'égard du gouvernement et des institutions politiques atteint un niveau historique et ne cesse d'augmenter, tandis que l'espace civique ne cesse de se rétrécir. Son travail, qui consiste à veiller à ce que les dirigeants politiques rendent des comptes au public, est un défi permanent.

La polarisation ne justifie pas le pessimisme
Pourtant, tous les intervenants pensent que c'est aussi le moment où la démocratie devient réelle. La polarisation fait partie du processus démocratique et les démocraties doivent être prêtes à y faire face. Et il y a de bonnes nouvelles à ce sujet.
Le professeur van Biezen a souligné que, malgré les revers actuels, il y a plus de démocraties dans le monde aujourd'hui que jamais auparavant. Plus de gens que jamais ont leur mot à dire sur la politique. Le travail de Caroline Gaita montre la promesse des nouvelles technologies dans la démocratie, puisqu'elle les utilise pour relier les électeurs à leurs dirigeants élus au quotidien. Thomas Carothers voit des solutions dans les efforts de rapprochement qui favorisent le dialogue et une meilleure compréhension au-delà des clivages partisans, et dans l'innovation démocratique pour réduire la polarisation.
Caroline Gaita, de Mzalendo, explique comment la polarisation entre les partis peut freiner le progrès politique.
La réponse est une meilleure démocratie et plus de dialogue
Qu'est-ce que cela signifie pour notre travail ? Le NIMD estime que les conflits politiques et une certaine polarisation sont inévitables. En effet, la polarisation fait partie intégrante d'un système politique inclusif qui fonctionne. Cependant, l'astuce consiste à s'assurer que ces conflits politiques sont résolus par le dialogue, plutôt que par la violence, et qu'ils aboutissent à des résultats politiques qui reflètent les demandes de tous les citoyens.
Thomas Carothers explique comment nous pouvons lutter contre la polarisation dans nos propres communautés politiques.
Nous facilitons la résolution pacifique des conflits politiques en instaurant la confiance et en facilitant le dialogue entre les rivaux politiques. Nous établissons des liens entre les détenteurs du pouvoir politique et les groupes et dirigeants exclus de la scène politique, tels que les femmes et les jeunes. Nous faisons pression sur les acteurs internationaux pour que la prise de décision politique inclusive figure en tête de l'agenda politique mondial. Mais nous ne sommes pas les seuls à le faire.
Pour citer Carothers : ce sont les citoyens eux-mêmes qui créent de nouvelles passerelles entre les clivages, qui cherchent des réformes dans le système politique susceptibles de modifier le fonctionnement des élections. Ce sont eux qui incitent les médias à être plus consensuels, plutôt qu'à semer la discorde. Il n'y a pas de solution unique à la polarisation, mais il existe de nombreuses petites solutions.